mardi 10 avril 2007

René Lévesque (1922-1987)

« [L]es illusions ont la vie dure ; plus elles sont fortes,
plus elles mettent de temps à mourir. »
(Daniel Boorstin, Histoire des Américains, 2003, p. 98. ISBN 2-221-06798-3)


Un sujet exemplaire des contradictions de l’homme québécois
Nous apprécions grandement les commentaires qui ont été publiés par nos lecteurs sur la personnalité de René Lévesque (cf. « La désorientation politique est-elle consubstantielle au PQ. » Dans VIGILE.NET, 5 avril 2007). http://www.vigile.net/La-desorientation-politique-est Ils confirment ce court paragraphe de Camille Laurin que l’écrivaine Marguerite Paulin cite en exergue dans sa courte biographie de Lévesque.

« Depuis que je travaille à ses côtés, écrit Camille Laurin, René Lévesque me paraît comprendre et ressentir dans sa chair ces contradictions de l’homme québécois qui tout à la fois lui imposent de se libérer et l’empêchent d’y parvenir. C’est pourquoi il oscille lui-même entre la nuit et la lumière, l’impatience et la confiance, la tendresse et la sévérité, la mercuriale et l’appel au dépassement lorsqu’il se parle à lui-même ou aux autres. »
(Cité par Marguerite PAULIN, René Lévesque. Une vie, une nation. Montréal, XYZ éditeur, 2004, 165 p. (Coll. « Les Grandes figures ». ISBN : 2-89261-377-9)


TABLE DES MATIÈRES (*)

Liminaire

Chap. 1 : Je ne veux pas détruire le Canada 15 [Cf., ANNEXE]
Chap. 2 : La Révolution tranquille, c’était bien cela 29
Chap. 3 : Le fils de maître Lévesque, esquire 43
Chap. 4 : Voir la guerre de près 53
Chap. 5 : La passion de communiquer 61
Chap. 6 : Ministre du gouvernement Lesage 71
Chap. 7 : Franchir le mur de la peur 89
Chap. 8 : Les années de vérité 107
Chap. 9 : « … un vieille arbre oublié dans la plaine » 123

Chronologie de René Lévesque (1922-1987) 141
Éléments de bibliographie 163

(*) Nous avons dressé la table des matières, car elle est malheureusement absente de l’ouvrage.

NOTE. – Un ouvrage de vulgarisation qui nous offre une bonne chronologie de l’histoire politique du Québec au XXe siècle en trame de fond sur la vie d’un acteur politique important dans la vie de la société québécoise en mutation après la Seconde Guerre mondiale. L’auteur présente un film en accéléré de la vie de René Lévesque. La description des moments importants de cette vie est palpitante. Elle nous offre un bon portrait de l’homme et de ses limites. Sa biographie se termine par la déroute des partisans clefs du PQ à l’occasion du Congrès de 1985. Il quitte finalement l’Assemblée nationale le 25 juin 1985 après y a voir travaillé pendant 25 ans. Il revient à la vie privée durant deux ans environ et meurt le 2 novembre 1987. Voir le débat sur le site du journal VOIR mentionné ci-dessus.

Réactions :
Pour un débat sur cet ouvrage, consulter les réactions des membres du journal VOIR. (Nombre = 16, en date du 07-04-2007) http://www.voir.ca/livres/livres.aspx?iIDArticle=30015

Il suffit de parcourir le livre rapidement pour découvrir l’homme et son œuvre ainsi que son immense difficulté à s’extirper des interprétations traditionnelles de l’histoire du Canada que Maurice Séguin a très bien décrites de la manière suivante dans Les Normes (cf. Introduction. Guérin Éditeur, 1999).
Extraits :

« Des interprétations que l’on appellera traditionnelles et majoritaires ont pour thèmes généraux (si l’on simplifie...) :

1° l’égalité politique dans un régime fédéral (ou d’union fédérale) entre le Canada anglais et le Canada français considérés comme groupes ethniques [ou sociétés distinctes] ;

2° une inégalité sur le plan économique, due à des causes temporaires et qui peut être corrigée : ou l’égalité économique possible.

3° l’avantage de deux cultures pour une nation. »

« D’autres interprétations, traditionnelles aussi mais minoritaires ont soutenu (si l’on n’entre pas dans les détails) :

1° l’obtention de l’indépendance politique pour le Canada-Français
a) comme possible [ET] assez facilement, si l’on veut cette indépendance ;
[ET AUSSI]
b) comme quelque chose qui va de soi,

2° ou le recouvrement possible d’une indépendance politique perdue ou refusée par accident :

3° [et malgré tout] percevant l’inévitable inégalité politique d’une nationalité minoritaire. »

N. B. Il paraîtrait que ces deux phrases sont tellement difficiles à comprendre pour un non-initié, c'est-à-dire s’il n’est pas un historien, qu’il est nécessaire de lui faire un dessin ! Êtes-vous du même avis ?
Revenons à Marguerite Paulin. Toute biographie a ses limites. Si elle est uniquement centrée sur le personnage, elle risque d’échapper à l’histoire, c’est ce qui arrive très souvent. L’étude d’un personnage historique est en soi fascinant. La question est de savoir dans quelle mesure elle peut éclairer l’histoire et la longue durée de la vie d’une société. Ce qui est intéressant dans le survol de Marguerite Paulin, c’est qu’elle a su transcender l’événementiel d’une manière habile. Elle nous offre d’une certaine manière une introduction à la grande histoire. Si « l’histoire des structures est aussi légitime que l’histoire événementielle » comme le pense Maurice Séguin (cf. le chapitre d’« Introduction » dans Les Normes.), il faut reconnaître que cette biographie devient éclairante. Cela dit, elle est quand même insuffisante dans la perspective d’une histoire générale du Québec.

Nous ne pouvons pas réduire à une période ou à une époque l’histoire d’une nation. Toutefois, on peut se rappeler les époques de Mercier, Taschereau ou Duplessis et même encore celles de Lesage, Johnson, père, Bourassa, Lévesque ou Bouchard ? L’historien doit à la fois aborder les individus et la société, les événements et les phénomènes de longue durée tout comme la conjoncture et les structures. L’anecdotique, la vie privée, les petits scandales, les manières de se vêtir ou de parler, etc. sont loin d’épuiser l’histoire. Si cette histoire-récit peut toutefois être passionnante, elle ne s’inscrit surtout pas dans la perspective d’une histoire-explicative plus lourde d’enseignement et mère de l’action. Cette histoire ne donne ni dans la contemplation du Passé ni dans celle du Présent. Au contraire, elle s’inscrit dans la recherche de l’histoire en action où le temps de l’Avenir est façonné à la fois par le Passé et le Présent. La part de volonté ou de liberté est souvent restreinte et limitée. Les grands bouleversements historiques sont plus souvent des évolutions que des révolutions.


Bruno Deshaies
Montréal, 10 avril 2007
ANNEXE

Je ne veux pas détruire le Canada

//p.18// Après l'élection du Parti québécois le 15 novembre 1976, René Lévesque revient à l'essence même du Mouvement souveraineté-association qu'il avait fondé neuf ans plus tôt. « Aujourd'hui, dit-il, je tiens plus que jamais à ce trait d'union ! » Il ne s'agit pas d'une figure de style, mais d'un point d'honneur qu'il se fixe. Un Québec souverain devra établir un partenariat économique avec le Canada. Fort de ce credo, il freine l'aile radicale du Parti québécois qui souhaiteraient déclarer l'indépendance tout de suite. Lévesque se méfie des idéalistes qui n'acceptent pas les règles du jeu de la démocratie.
-- Des picosseux, dit-il, des chiqueux de guenille ! Cette gau-gauche, c'est le ver dans la pomme.
Dès le début de 1977, le chef du PQ doit maîtriser des ondes de choc. Lévesque mène alors une locomotive lourde dont la moindre fausse manoeuvre risque de faire dérailler les wagons.

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